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6 décembre 2009 7 06 /12 /décembre /2009 20:51

Les démons mineurs dans le jeu Ōkami sont tous des singes aux couleurs, aux aptitudes et aux attributs différents. Ils représentent en quelque sorte le monstre de base, le plus faible adversaire possible. A ce titre, on pourrait penser qu'ils aient bénéficié de soins moins attentionnés dans leur conception que d'autres ennemis croisés dans le jeu. Il est vrai que les sources d'inspiration à leur origine sont moins importantes que pour certains monstres plus emblématiques. Mais les développeurs du jeu ont néanmoins puisé dans le folklore traditionnel pour incarner ces démons mineurs, et surtout dans la richesse de la langue nippone pour leur donner du sens.


Tout d'abord, ces démons mineurs sont tous des singes. Contrairement à l'image qu'on en a parfois en occident, le singe garde certes une image de bouffonnerie, mais incarne aussi la sagesse. Il oscille perpetuellement entre ces deux caractéristiques, et renvoye finalement une image d'auto-dérision aux hommes. Par son don d'imitation, il se moque de la sagesse des hommes qui serait bien inférieure à la sienne. La meilleure incarnation de cette image est celle des 3 singes de la sagesse.

Mais les singes ont aussi dans l'imaginaire japonais un rôle protecteur et bienveillant au regard des hommes. Ils sont réputés pour chasser les mauvais esprits. D'ailleurs, il n'est pas rare que des parents offre à leur enfant une image de singe à garder sur lui ou dans son cartable pour éloigner les mauvais esprits.

Dans Ōkami, les démons mineurs sont justement des singes. Ceci les rend encore plus effrayants et sournois. Corrompu par le mal, cet animal censé protéger les hommes se retourne contre eux. De ce fait, ils perdent en même temps toute leur sagesse et ne conservent plus que leur côté clownesque, ce qui atténue un peu la peur qu'ils suscitent. Plus bêtes que méchants, ces ennemis sont même grotesques dans leurs mouvements.

Chacun de ces singes porte en plus un attribut. Les trois premiers jouent d'un instrument de musique traditionnel japonais : la flûte, le biwa et le tambour, soit un instrument à vent, un instrument à corde et un instrument de percussion, les grands 3 types d'instruments de musique utilisés dans la musique traditionnelle japonaise. Le quatrième utilise une spécialité asiatique, le cerf-volant, tandis que le dernier se démarque en arborant toute une série de symbôles évoquant la mort : la couleur noire, les crânes et le métier de nécromancien.


Démons verts : "Ces esprits malins à l'aspect de singe aiment tourmenter les humains, terrorisant les habitants et répandant toutes les maladies. Qui nous débarassera un jour de cette infamie ? Cachés dans les endroits lugubres, ce sont de remarquables flûtistes."

Démons rouges :
"Ils ne se séparent jamais de leur instrument à cordes traditionnel. Ces yokaï sont bien plus coriaces que leurs semblables verts. Une nuit, un homme entendit jouer du biwa et en chercha l'origine. Camouflé dans l'ombre, l'homme aperçut les démons musiciens. Les vilains s'arrêtèrent alors de jouer pour boire du saké. Le brave, saisissant sa chance, les attaqua et coupa les cordes du biwa avec sa lance. Les babouins s'évanouirent dans un nuage de fumée. Depuis, la légende prétend qu'il faut couper les cordes du biwa avec le pinceau pour s'en débarrasser."

Démons jaunes : "Selon la tradition populaire, ces simiens coquins jaunes n'ont de cesse de commettre leurs forfanteries. S'enfouissant dans le sol, ils frappent leurs tambours favoris. Les rythmes secouent la terre. Sautez pour éviter cette perfidie. Faites les sortir de leur repaire pour les frapper par derrière ! Bien que rongés par la vermine, ils sont décrits comme souriants. Hélas, ce ne sont que des fables destinées à les rendre plaisants."

Démons bleus : "Uniques parmi leurs semblables, ces babouins se plaisent à planer dans les airs accrochés à des cerfs-volants. Insultant tous ceux d'en bas, ils volent l'air menaçant. Leur intelligence n'a d'égale que leur aggressivité. Mais que peut-on faire en l'air, face à de fortes bourrasques ?"

Démons noirs : "Considérés comme les plus dangereux des démons mineurs, les récits clamant la férocité de ces nécromanciens abondent. La légende dit que les crânes qu'ils manipulent appartenaient à des hommes, pauvres diables qui ne peuvent quitter ce monde. Abstenez-vous de les dessiner, car ils vous apporteront malheur. Purifiez le crâne avec le pinceau, ou même avec le doigt !"


Comme vous pouvez le constater, chacun de ces démons mineurs porte sur son masque un katakana, l'un des syllabaires qui composent la langue japonaise. Ces katakanas permettent de classifier ces démons :
Les démons verts portent le katakana イ qui signifie "i".
Les démons rouges portent le katakana ロ qui signifie "ro".
Les démons verts portent le katakana ハ qui signifie "ha".
Les démons bleus portent le katakana ニ qui signifie "ni".
Les démons noirs, enfin, portent le katakana ホ qui signifie "ho".

Cette séquence イ ロ ハ ニ ホ qu'on lit donc i ro ha ni ho est le début de l'un des plus anciens poèmes japonais dont l'écriture date du tout début du XIème siècle. Ce poème a la particularité de comporter une et une seule fois l'ensemble des katakanas de la langue japonaise. Il a donc servi à des générations d'écoliers dans l'apprentissage de leur langue. En réalité, la langue japonaise comme toutes les autres a évolué depuis l'écriture de ce poème, et de ce fait, certains katakanas ont disparu tandis que d'autres se sont modifiés. Les écoliers japonais apprennent désormais les katakanas selon un ordre de classement plus logique (en fonction de leur prononciation). Mais ce poème, connu sous le nom iroha (de ses premières syllabes) est toujours utilisé dans certaines représentations théatrales ou dans quelques compositions musicales. Enfin, la séquence iroha correspond aux premières notes d'un octave (do, ré, mi), puisque les notes d'un octave japonais sont successivement le :

イ (i) = do

ロ (ro) = ré

ハ (ha) = mi

ニ (ni) = fa

ホ (ho) = sol

ヘ (he) = la

ト (to) = si

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commentaires

J
<br /> As-tu pu relier ces "démons" dans la liste des yôkai de Shigeru Mizuki?<br /> exemple: http://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_y%C5%8Dkai<br /> <br /> C'est là que l'on voit qu'Ôkami est plus qu'un jeu mais la quintessence de la culture japonaise et qu'on pourrait faire un article par jour pendant toute une vie sur ce jeu pour en déceler tous les<br /> nuances... Car chaque éléments de Ôkami est une référence à la culture japonaise... (je me rappelle notamment le fait de peindre le deuxième oeil du daruma... en rapport avec la coutume d'offrir un<br /> Daruma à quelqu'un, et que cette personne lui dessine un oeil en faisant un voeux... et dessine le deuxième lorsque le voeux se réalise)...<br /> <br /> Bref, merci pour tous tes articles sur Ôkami, j'apprends beaucoup de chose sur la culture japonaise via ce jeu et surtout via tes articles.<br /> Tu m'as redonné envie d'y jouer en repartant de zéro...<br /> <br /> Amicalement<br /> <br /> Jack<br /> <br /> <br />
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D
<br /> <br /> Effectivement, Okami est vraiment un jeu d'une richesse incroyable. C'est ma passion croisée pour les jeux d'aventure et le Japon qui m'ont d'ailleurs motivé pour créer ce blog.<br /> <br /> <br /> De nombreux yokai figurent dans Okami : les Tengu, les Oni, Ubume, Kitsune, Les Namahage, Orochik, etc....<br /> <br /> <br /> Mais bien d'autres références japonaises sont par ailleurs disséminées dans le jeu. On peut effectivement reprendre l'exemple des Daruma<br /> <br /> <br /> http://experience-japon.over-blog.com/article-daruma-40697218.html<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Je suis ravi si j'ai pu susciter en toi l'envie de recommencer ce magnifique jeu.<br /> <br /> <br /> <br />
D
<br /> Merci beaucoup pour cet article : je me demandais depuis longtemps pourquoi ces katakanas étaient représentés sur les démons.<br /> <br /> <br />
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