Suite et fin du conte Hanasaka Jiisan, le conte du vieillard qui faisait revivre les arbres morts. Je vous remémore brièvement les deux premières parties (dont le détail est disponible
ici et
là) : Un couple de vieillard adopte un chien abandonné qui leur apporte joie, bonheur, mais aussi richesses en déterrant un trésor. Ayant accepté de prêter pour une journée ce chien à leur voisin Yatake de nature jalouse et violente, celui-ci le tua au cours d'une de ses colères. Le grand-père érigea alors un petit mausolée à la mémoire de son chien au pied d'un sapin dans son jardin.
La nuit même de son enterrement, Shiroi le chien apparu dans les rêves de son maitre. Il s'adressait à lui en lui demandant d'abattre le sapin sous lequel il était enterré et d'en faire un mortier. Ce rêve était très curieux. Il semblait tellement réel que le grand-père décida d'accomplir cette tâche dès le lendemain. Une fois terminé, il était l'heure du déjeuner, et il se servit naturellement de ce mortier pour piler son riz. Mais alors qu'il commençait à le piler, le riz se transforma miraculeusement en pièces d'or ! Et à raison d'une pièce d'or par grain de riz, la fortune du vieux couple continuait à grossir à vue d'oeil !
Yatake leur voisin, intrigué par les cris, vint voir ce qui se passait et assista au miracle. Il demanda alors au grand-père de lui prêter son mortier, mais celui-ci refusa. Non pas parce qu'il ne voulait pas que son voisin devienne riche, mais parce que c'était un souvenir de son bien-aimé chien Shiroi. Yatake prit ce refus comme un affront, mais ne se laissa pas décourager. Et profitant d'un moment d'inattention, il s'en empara en le volant. Sur le chemin du retour vers sa maison, il s'imaginait déjà en train de piler son riz et de le changer en or.
Il fit donc venir sa femme, lui demanda de préparer le riz, et commença à le piler avec le mortier magique.Mais au lieu de l'effet escompté, le mortier ne souleva qu'un nuage de poussière. Pire, le riz au lieu de se changer en or se mua en déchets infâmes et malodorants. Une fois encore, Yatake ne comprenait pas ce qui se passait, mais s'énerva. De rage, il empoigna le mortier, le brisa en mille morceaux et le brûla. Et avec un esprit méchant, il poussa le vice à rassembler les cendres et les amena à son voisin. Il lui dit que son mortier ne valait rien, et qu'il l'avait brûlé.
La nuit suivante, le grand-père fit de nouveau un rêve étrange. Shiroui lui apparu de nouveau lui demanda de récupérer les cendres, de les protéger dans une boite et de les disperser au pied des arbres morts. Ainsi, les arbres morts reprendront vie, et fleuriront de nouveau. Le lendemain, le grand-père s'exécuta et recueilli les cendres dans un panier.
L'hiver était assez rigoureux cette année, et il se trouvait justement un ceriser mort dans son jardin. Le vieil homme fit alors un essai et comme par magie, l'arbre commença à bourgeonner. Puis des fleurs de cerisiers apparurent et quelques minutes plus tard, l'arbre se retrouvait paré de ses plus belles couleurs, comme en plein printemps. De tous les miracles que son chien avait accompli, il ne pouvait s'empêcher de penser que celui-ci était le plus beau de tous. Il est vrai que le couple était heureux d'être devenu riche, mais à leur âge, ce n'était pas véritablement d'argent dont ils avaient besoin.
Il se mit alors à parcourir la campagne avec son panier et les cendres de son mortier. Il les dispersait sur chacun des arbres morts qu'il croisait et laissait derrière lui une explosion de fleurs, de senteurs et de couleurs. En croisant quelques rares pélerins, il leur annonçait avec joie qu'il pouvait faire revivre les arbres morts. Et il ne manquait pas de leur faire une petite démonstration. Ce fut un jour mémorable pour ce grand-père, peut-être le jour le plus beau de sa vie. Intérieurement et secrètement, il remerciait son chien pour ce nouveau bonheur.
La nouvelle de ce miracle se propagea à travers la campagne, par l'intermédiaire des marchands et des itinérants. Jusqu'à ce qu'elle parvienne aux oreilles du seigneur local. D'abord dubitatif, il décida de se rendre compte sur place de cet étrange phénomène. Il fit seller son cheval, demanda qu'on le mène jusqu'à ce grand-père, et découvrit stupéfait toute une région embellie de cerisiers en fleurs en plein hiver. Il demanda au grand-père qu'il lui montre comment il faisait, et le vieillard jeta une nouvelle poignée de cendres sur un arbre encore mort. Instantanément, celui-ci fleurit.
Le jeune seigneur décida de récompenser le vieil homme pour ce miracle et lui offra de riches présents. Des ustensiles de maison et de jardin de bonne qualité et des bijoux pour sa femme. Jaloux, Yatake déroba le lendemain les cendres du mortier et se présenta au chateau du seigneur. Il lui affirma qu'il pouvait lui aussi faire fleurir les arbres morts et proposa ses services au seigneur. Ne lui laissant même pas le temps de répondre, il monta dans le premier arbre mort qu'il trouva et jeta une poignée de cendres. Mais non seulement rien ne se passa, mais en plus un coup de vent fit tourbillonner les cendres qui se répandirent dans les yeux et dans la bouche du seigneur.
Très mécontent, le seigneur se fâcha et fit rouer de coups Yatake et sa femme avant de les laisser rentrer chez eux. Ils durent aussi présenter des excuses et promettre de ne plus faire preuve de cupidité ni de jalousie. A leur retour chez eux, le vieil homme les attendait. Au lieu de s'énerver pour ce nouveau vol, il leur proposa de partager ses richesses, dont il ne savait plus quoi faire. Yatake et sa femme furent tellement surpris de cette proposition qu'ils ne répondirent pas tout de suite. Ils ne s'attendaient pas à une telle proposition de sa part après tout ce qu'ils avaient fait. On dit que Yatake et sa femme s'excusèrent alors pour la première fois sincèrement et menèrent dès lors une existence vertueuse. Tandis que le grand-père continua le reste de sa vie durant à bénéficier de coups de chance et à faire fleurir les arbres morts.